LIBÉREZ VOTRE CERVEAU

 

L’organe le plus mystérieux de notre anatomie, le plus complexe et mal compris est notre cerveau.

Il est le disque dur de notre intelligence mais savons-nous vraiment quel système d’exploitation utiliser afin de tirer profit au mieux de nos capacités ?

Utilisons-nous notre cerveau de façon adéquate et performante ? Pourquoi certains sortent du lot, sont des prodiges, ont des capacités et des dons éblouissants ?Pourtant, nous avons tous le même nombre de neurones, d’aires et de synapses. Et si chacun de nous avait des capacités cachées ou un don qu’il ne soupçonnait pas ?

Nos écoles sont-elles vraiment conçues pour que nous puissions développer au mieux nos potentiels ?

Au cours du XIXème siècle un processus historique a fait basculer notre civilisation, cette transformation affectera profondément notre école, nos villes, la nature, l’économie, le droit, la politique et tout le fonctionnement de notre société dans son ensemble. Aucun domaine ne sera épargné. C’est la révolution industrielle.

Ce modèle industriel s’impose tel une dictature partout.

L’exemple le plus terrible et le plus extrême est l’industrialisation de la souffrance des animaux destinés à la consommation, car les industries des voitures, des vêtements et autres objets ont mis ce modèle au service d’une industrie immorale, qui traite des êtres vivants comme des choses, transforme les lieux d’élevages en prisons et en salles de tortures à grande échelle.

Le modèle de l’industrie se met également au service de l’école et crée l’industrialisation du savoir. Nos enfants doivent entrer dans des moules précis conforment aux exigences de l’éducation nationale. Ceux qui ne s’y soumettent pas, ceux qui ne peuvent pas s’y soumettre, ceux qui refusent de s’y soumettre sont mal considérés ou exclu.

L’école, qui autrefois était un privilège très convoité, est devenue une corvée, une source de stress, un lieu d’échec, un lieu de d’exclusion, d’étiquetage, de gavage, de frustration. Chaque élève est différent et si le plaisir de l’école émerge, cela n’arrive que par accident car l’école n’est pas conçue pour plaire et émerveiller, mais pour contraindre et conditionner.

Nous sommes à un carrefour, une grande place et plusieurs routes sont possible. Mais elles sont toutes sans issues, nous faisons le tour de la place méthodiquement et plusieurs fois, dans l’espoir de trouver enfin une route qui nous permettra d’avancer vers une nouvelle direction.

Soudain apparaît un horizon nouveau, c’est celui que développe Idriss Aberkane dans son essai passionnant, publié en 2016,

Libérez votre cerveau ! Traité de neurosagesse pour changer l’école et la société.

Idriss Aberkane, né en 1986, est un enseignant, conférencier et essayiste français. Titulaire de plusieurs doctorats, il publie des chroniques dans le magazine Le Point et Huffington post. Très présent sur les réseaux sociaux, il s’exprime sur l’économie de la connaissance. Son succès médiatique attire également de vives critiques de la part des scientifiques. Son ouvrage ayant pour objectif la vulgarisation scientifique ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs. Mais nous ne nous attarderons pas sur les descriptions physiologiques du cerveau ni sur ses positions controversées par ailleurs.

Bien au-delà de ceci, dans cet ouvrage il nous délivre un message :

« Il ne faut pas forcer le cerveau à ressembler à notre école, il faut forcer notre école à ressembler à notre cerveau. »

Ce message remet en cause notre système éducatif et notre société.

Il est d’ailleurs probable que les critiques à son égard soient liées à ce fait. Pourtant ce message il n’a pas été le seul à le crier.

Carl Rogers dans « Liberté pour apprendre », 1969, prône pour une réforme de l’institution scolaire afin qu’elle cesse d’être un cadre rigide qui entrave l’individu pour devenir au contraire un lieu qui permettrait aux élèves de se révéler.

Plusieurs autres grands pédagogues ont marqué l’histoire tels que Maria Montessori, dans les années 1900, qui développe une nouvelle méthode permettant aux élèves de devenir autonomes et s’organiser seul. Selon une étude publiée par la revue Science en 2006, les capacités scolaires mais aussi sociales des enfants passés par cet enseignement sont meilleurs et ils obtiennent des résultats supérieurs lors des évaluations.

De nombreuses initiatives locales existent avec différentes méthodes, toutes vont dans le sens d’une plus grande autonomie des élèves, du travail en équipe, des emplois du temps et cours à la cartes.

Le maître mot est toujours le même, l’école doit s’adapter aux exigences de la vraie vie.

Mais tout ceci est resté en sommeil, presque étouffé et obstinément mis en marge de l’éducation conventionnelle.

Pour désigner l’école Idriss Aberkane parle de « la vie notée », dans laquelle il faut entrer dans un moule, rester à sa place, se soumettre, travailler seul, ne pas suivre son cœur ni son intuition mais rester conforme.

Il nous explique que nous n’utilisons pas « ergonomiquement » notre cerveau.  Faire de la neuroergonomie, c’est l’art de bien utiliser le cerveau humain.

Notre cerveau a des articulations et des mouvements qu’il peut ou pas faire, il a ses limites, des empans. L’empan de la main est la distance qui va du bout de notre pouce au bout de notre petit doigt main ouverte, il conditionne ce que l’on peut saisir, mais pour saisir un objet trop grand ou trop lourd avec notre main nous utilisons une poignée, nous pouvons utiliser des poignées c’est-à-dire des représentations adaptées pour soulever des idées plus larges, des objets d’études. C’est munir les notions abstraites « d’une poignée intellectuelle ».

Notre cerveau est conditionné, inhibé, et en le désinhibant par l’attraction et le plaisir, c’est aussi « donner la parole à la bonne population de neurones. »

Idriss Aberkane développe la notion d’économie de la connaissance, qui est l’échange de savoir. L’information, elle, est ponctuelle, mais le savoir est reproductible. « Quand on partage un bien matériel, on le divise, quand on partage un bien immatériel on le multiplie. »

Il utilise une métaphore très représentative de l’enseignement d’aujourd’hui.

Imaginez que vous avez très faim et que vous êtes invité à un superbe buffet. Une multitude de mets très variés, certains très appétissants, d’autres un peu moins, mais vous vous imaginez déjà goûter à tout et vous régaler. C’est le paradis. A présent on vous annonce que vous devez manger tout ce qui est sur cette grande table en une heure et que chaque nourriture restante sera facturée très cher. Maintenant vous êtes en enfer ! La nourriture n’a pas changé, seulement la raison et la manière de la manger.

A l’école c’est pareil, c’est le restaurant du savoir avec lequel on gave les élèves qui doivent ingurgiter tout à un rythme bien précis et ceci sans tenir compte des particularités de chacun. L’enseignement est standardisé, un même rythme pour tous sans distinction.

Et le plaisir dans tout ça ?

Le système de notation n’est pas forcément en cause, car les jeux sont notés avec des scores et pourtant les joueurs les réclament. Nos écoles sont devenues « des usines à éduquer » et l’explosion des cas de déficits d’attention, d’hyperactivités et autres troubles du comportement sont la preuve que notre école et notre société sont malades. Pas nos élèves.

Idriss Aberkane enfonce le couteau dans la plaie et nous dit : « C’est bien la nature des régimes totalitaires que de stigmatiser leurs dissidents. »

Dans cet essai un fil conducteur est présent du début à la fin. C’est l’amour. Car « l’émerveillement est le moteur de l’apprentissage et de la découverte ».

Nous pouvons tous être extraordinaire, mais rien ne peut s’atteindre sans passion. Pour être excellent dans un domaine il faut acquérir des milliers d’heures de pratique pour cette tâche qu’elle soit physique ou mentale, mais sans amour cela devient une corvée impossible à accomplir. Ceux qui excellent dans un domaine sont des amoureux, des passionnés.

Donner à nos enfants l’appétit du savoir, c’est leur donner la clé de la réussite et cela ne peut se faire uniquement avec un système éducatif qui les valorise, les autonomise, les responsabilise, reconnait leurs différences, leur apprend à faire des choix, à faire des expériences et des découvertes, leur permet de développer leur personnalité, de partager, d’échanger, de valoriser les travaux de groupes. Les préparent à la vraie vie.

Une école en adéquation avec la nature humaine, avec le fonctionnement de leurs corps, de leurs cerveaux, de leurs rythmes, de leurs goûts. Une école qui donne la place à l’intuition, au plaisir, à l’épanouissement. Qui fait de la différence un enrichissement et un trésor, qui valorise l’initiative, qui fait de l’échec un outil de perfectionnement, une chance.

Une école qui fera d’eux les bâtisseurs d’une société équilibrée et riche de savoir.

« Nous ne sommes pas là pour nous conformer à une empreinte, mais pour laisser la nôtre. »  Idriss Aberkane

A lire absolument !

Karine Dana